IFLA

80e Congrès IFLA
16-22 août 2014
Lyon




(Je vous préviens tout de suite, ça va être un peu long mais à événement exceptionnel compte-rendu exceptionnel ;-)



Cette année s’est déroulé à Lyon du 16 au 22 août, le congrès mondial de l’IFLA (Féderation internationale des associations de bibliothèques). Cela faisait 25 ans que ce congrès n’avait pas eu lieu en France (Paris 1989). 
Pour ceux qui connaissent ce serait un congrès ABF puissance 10, ou chaque région serait habillée selon avec son costume traditionnel si celui-ci n'était pas devenu folklorique (jetez un oeil au #fashionistas c'est magnifique)

C’était donc un événement hors-norme qu’accueillait Lyon, qui avait mis les moyens : des l’arrivée en gare, les congressistes étaient accueillis par les “gilets bleus” (300 bénévoles essentiellement français), de la signalisation partout dans la ville indiquait l’adresse où se tenait le congrès.


Ce congrès rassemblait 4000 personnes, 144 nationalités (l’ONU en décompte 193 dans le monde).

L'l’Europe était bien sur très présente notamment l’Europe du Nord. (Tous les congressistes présents dont c'était la première fois, garderont, je pense, à jamais gravé cette image de l'auditorium remplie de 3000 bibliothécaires et quoi qu'on en pense on n'a vu personne se sauver en courant à cette vue !)

La France était finalement assez peu représentée (en dehors des 300 esclaves bénévoles). Au pro-rata du nombre de représentants, du nombre de conférences, on peut se dire que ça y est, en matière de culture (et peut être du reste aussi) la France est passée du côté des pays du tiers-monde. (Qui aujourd'hui a les moyens de payer 750€ d'inscription pour un congrès ? Si vous connaissez des collectivités dont c'est le cas dites-le moi que j'envoie au plus vite une candidature spontanée)

Le thème de ce congrès :

Bibliothèques, Citoyenneté, Société : 
une confluence vers la connaissance” 
(Confluence que j'imagine en hommage à ce nouveau quartier de Lyon en pleine (re?)construction, ou cependant je n'ai pas vu de bibliothèque ?)

Cette thématique permettait de dresser un panorama de ce qui se fait un peu partout dans le monde dans le domaine des bibliothèques, au travers de 226 conférences sur ces 6 jours. 
(Sachant que les premières conférences commençaient à 8h30, que certaines se déroulaient sur l'heure du déjeuner et le soir d'autres pouvaient finir à 18h !)

Et si lors du congrès de Paris il y a 25 ans, la France accusait un réel retard, les bibliothécaires d’aujourd’hui n’ont pas à rougir de ce que propose la France, notamment dans le domaine du numérique, qui aura été l’un des mots les plus prononcés de ce congrès et de l'animation/médiation. 


Peut être aussi, parce que cela a été évoqué dans le discours de la ministre de la culture Aurélie Filipetti. Elle fai(sai)t du numérique et de son accès par les plus défavorisés, un cheval de bataille, tout comme Benoît Hamon voulait que le numérique serve aux enseignants et aux élèves en situation d’échec scolaire, par son accès mais aussi par son contenu. 
[MAJ digressive : objectifs déjà à revoir car ces deux ministres qui n'avaient pas daigné faire le déplacement, ne sont plus ministres et les bibliothèques françaises détiennent un nouveau record : dans le monde des bibliothèques le temps est différent et une année équivaut à 8 mois au lieu de 12 ! 
"RIP l'année des bibliothèques", représentative de l'importance de la culture aux yeux des politiques français ? En plus de s'enfoncer un peu plus chaque jour dans la pauvreté, la France s'enfonce aussi dans la misère culturelle ?] 
Mais heureusement l'IFLA avait déjà anticipé car :


L’un des points forts de ce congrès aura été “la déclaration de Lyon”, il s’agit d’un texte majeur qui entend faire revenir l’accès à l’information dans la stratégie globale des Nations Unies :


« L'accès à l'information est un point essentiel du développement des pays. Il n'est pas garanti partout, et pas même dans les pays développés, où des individus manquent de cet accès à l'information, par absence de connexion Internet ou d'ordinateurs », explique Sinikka Sipilä. Dévoiler le texte au moment du congrès semblait « un moment politique et stratégique opportun » pour l'organisation, qui espère le voir intégré au programme de développement de l'après 2015 des Objectifs de Développement Durable de l'ONU.


Un autre enjeu majeur qui a plané tout au long de ce congrès fut le contexte de crise, brillamment développé lors de la conférence “less = less”. On citera le cas de l’Espagne qui a mis en place une étude afin de donner un argumentaire aux bibliothèques face aux restrictions.
Car c’est un fait notable, les bibliothèques deviennent des variables d’ajustement en cas de crise.

“Les bibliothèques doivent être vues comme un investissement pas comme un coût
(Gloria Perez-Salmeron, Espagne) venue présenter son étude son système d’évaluation du rôle social des bibliothèques. L’Espagne a en effet vu ses budgets diminuer de 36% et disparaître 600 postes de bibliothécaires, le tout provoquant logiquement une baisse des emprunts !
Chez eux les Les associations de bibliothèques, d’archives, de documentalistes espagnoles ont réussi à fédérer (FESABID) afin d’établir un mode d’évaluation prouvant l’impact économique des bibliothèques.
Je vous passe les détails de l'étude mais le résultat :


“Dans l'ensemble, 1 € investi dans les bibliothèques 
génère entre 2,80 et 3,80 € en retour sur investissement” !!!!

C’est le type même d’argument qui peut être utile auprès de politiques, montrer que la bibliothèque est rentable et qui nous amènent aussi à nous poser la question : 
“Est-ce que les politiques connaissent bien les missions des bibliothèques ? Faisons-nous le nécessaire ?


A rapprocher de ce qui s ‘est dit dans une autre conférence ou était présente “her royal highness princess Laurentien of the Netherland” (Et oui au congrès de 'IFLA il y a des vraies princesses qui se lèvent un peu trop tôt et sont loin d'être des cruches ;-)
les bibliothèques font des choses extraordinaires, mais Il faut absolument qu’elles fassent connaître ce qu’elles font”.


Ne rien faire c’est laisser les autres faire à notre place avec tous les risques que cela comporte, dans une société de consommation en crise.


Dans une autre conférence on montrait les risques de n’être pas assez connu :



Dans d’autres pays, comme l’Australie, le gouvernement a fait de l’année 2012 l’année des bibliothèques, de manière ingénieuse : dans le pays, le même jour à la même heure tous les bibliothécaires lisaient le même livre aux enfants. 
Le 6 août 2012 le pays s’est arrêté pour consacrer une heure à la lecture ou que l’on soit quoique l’on fasse.  
Il a même été créé le 14 février le “library lover’s day” ! 
 (C'est à ce moment que j'ai commencé à chercher sur ma tablette le formulaire d'immigration pour l'Australie, quand la conférencière a précisé que lors de l'histoire racontée le même jour à la même heure parlait d'éléphants et que pour ce faire tous les bibliothécaires s'étaient déguisés en éléphant, j'ai alors stoppé net la démarche !)
la Suède, elle se repose beaucoup sur son personnel : “il faut dire oui à toutes les idées !” et pense qu’il faut “donner de l’autonomie au personnel pour se former”, attention à la définition du mot "formation", car en Suède elle peut se faire sur un coin de table. 
(il faut signaler que la salle a applaudi à ces paroles, étrangement car dans le public se trouvaient essentiellement des chefs de service, donc des gens qui ont le pouvoir de dire oui ?)
Tout au long de ce congrès on a pu constater que les bibliothécaires ne manquaient pas d’idées, de ressources surtout en temps de crise, mais que le défaut récurrent était leur manque de visibilité.


Ce congrès c’était aussi 211 poster-sessions : de courtes présentations informelles pour faire connaître des initiatives originales (https://www.flickr.com/photos/ifla/sets/72157646611993082) (En gros une grande fête de la musique ou l'on essaie de parler plus fort que son voisin pour un public qui n'a qu'une envie aller manger, fumer sa clope, faire pipi ou... Bref)




C'est aussi des quartiers, le quartier des exposants regroupait tous les fournisseurs officiels et habituels. Pour info, la dernière tendance du marché c'est la boîte : la boîte à livres sur le mode partage, la boîte à réservations (beaucoup moins gratuite et qui permet de venir chercher les livres en dehors des heures d'ouverture de la bibliothèque, son design se rapproche du four à micro-ondes. 


La boîte "distributeur à livres" : et là stupéfaction, retour aux années 80 on dirait les distributeurs de la grande époque des cassettes vidéos ou pour ceux qui ne se souviennent pas des distributeurs de friandises que l'on trouve un peu partout. Ce distributeur doit coûter un bras mais la solution pourrait être bien moins onéreuse, vous retirez les friandises du votre et vous y mettez des livres, je vous laisse réfléchir à laisser ou pas le monnayeur. 
Des boîtes qui vous apprennent à vous passer des bibliothécaires à un congrès de bibliothécaires, on est vraiment... Bref



Sinon rien de bien neuf, beaucoup de machines étranges, voire dangereuses ?

pour numériser/nettoyer/protéger des livres anciens. J'ai quand même aperçu un fournisseur de machines pour nettoyer les CD/DVD.... 

Evidemment le challenge était de récupérer le plus de goodies possibles et si je m'estimais contente de mon butin j'ai pu constater que comparée à d'autres je suis une petite joueuse



Et puis, il y avait LE quartier français, gros succès de ce congrès (enfin je l'espère)



C'est là ou j'ai découvert que, plus tard quand j'aurais un vrai métier je veux faire barmaid !
C'est trop bien, c'est l'illustration de la tour de Babel, le langage universel du croissants/café/thé/vin. Comment on dit "tour de France" en Kazak ? Pas la moindre idée, mais juste pour faire crâneuse à avoir rencontrer des bibliothécaires du Kazhakstan qui ne parlent ni français ni anglais. 
J'en profite aussi pour relativiser : certes nous ne sommes pas des champions en langue étrangère, mais quand je suis arrivée le premier jour et que la dame de l'accueil m'a dit "speak in english" sur un ton pincé (non ce n'était pas une bibliothécaire), cela a eu l'effet inverse sur moi (c'est mon côté rebel ;-)
Tout ça pour dire que certaines autres nations ne sont pas beaucoup plus douées que nous mais je ne les dénoncerai pas.

C'est là aussi que vous vous rendez compte qu'il y a aussi des collègues bizarres dans les autres pays.
 C'est à cette occasion que j'ai animé un atelier Sleeveface et... Je ne me lasse pas, heureusement que deux collègues sont venu me prêter main forte, quel plaisir, à chaque fois c'est pareil, on pense se cacher mais c'est son âme qu'on dévoile.



Voilà pour le sérieux de ce congrès,
Maintenant le off (ou souvent vous continuiez à parler boulot) :
Le off c'est aussi trouver l'after, the place to be, ce qui nous a valu de belles soirées, on pourra ainsi placer celle de l'OCLC parmi les plus chics (chapelle, pianiste, petits fours,....) et retour à vélo en longeant la Saône sans tomber dedans, car ça aurait fait mauvais effet.

Ce fût l'occasion de tester à nouveau le folklore local, les fameux bouchons lyonnais, auxquels je pense ne jamais m'habituer : les quenelles avec gateau de foies de volailles, je les laisse à ceux qui sauront apprécier, car même si vous êtes en charmante compagnie votre assiette reste bien là devant vous... "Bah alors elle a pas aimé la petite dame ?"



Je ne parlerai pas de la discrète escapade avec une autre présidente à la recherche de #pointrenne dans le magnifique parc de la tête d'or, escapade qui me vaudrait le bûcher pour haute-trahison.

Non, mais par contre je ne peux pas ne pas vous parler de la "soirée culturelle"

C'est un événement impossible à décrire

Je sais que les "lives" sur les réseaux sociaux en ont défrisé plus d'un : y'a rien à faire des qu'on donne l'impression de s'amuser, de prendre du plaisir à faire ce que l'on fait, on est soupçonné du pire et surtout : de ne pas bosser !

Mais honnêtement, j'ai pris grand plaisir à rire, à danser, à manger, peut être aussi parce que car c'est ce qui nous est commun avec les autres cultures . 
Certes j'ai résisté à la danse du lapin mais uniquement parce que certains étaient beaucoup plus au point et je ne voulais pas me ridiculiser

Ridicules on devait certainement l'être, mais on l'était tous !

Alors j'avoue j'ai rejoint sans me faire prier les allemands, suisses, luxembourgeois, ... sur le dance floor dans cette grande "communion internationale" 


En plus les musiciens étaient plutôt bons ;-)



les perles :
- le #locat a été inventé en 1889 par les frères Lumière et ce film de 50 secondes a été diffusé lors de la séance inaugurale du congrès (des chats et des bibliothécaires on n'en sortira jamais ;-)
- Bernard Stiegler utilise encore des transparents pour faire ses présentations.
- Les casques de traduction sont-ils nettoyés entre chaque séance ?
- "J'ai les pieds aussi fin qu'une japonaise !!!" non ce n'était pas moi
- la vie sexuelle du ver à soie, en fait à part bouffer et b... il ne fait rien d'autre
- Mon premier selfie qui en a rendu jalouse plus d'une ;-)




Et des liens utiles
- “Vis ma vie” : il existe un programme d’échange de postes à l’international
- Les 1001 bibliothèques qu’il faut avoir vu avant de mourir, les contributions sont ouvertes car il en manque encore 900 à trouver.


Pour encore plus de détails :
le hashtag officel : #wlic2014 et le off : #vlouic


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Commentaires

Anonyme a dit…
> la Suède, elle se repose beaucoup sur son personnel : “il faut dire oui à toutes les idées !” et pense qu’il faut “donner de l’autonomie au personnel pour se former”, attention à la définition du mot "formation", car en Suède elle peut se faire sur un coin de table.
(il faut signaler que la salle a applaudi à ces paroles, étrangement car dans le public se trouvaient essentiellement des chefs de service, donc des gens qui ont le pouvoir de dire oui ?)

Ils ont le pouvoir de dire oui, ils vont voir le service RH/Formation, ils disent "eh j'ai un agent à envoyer en formation", le service RH/formation dit :
"ah non, on n'a plus d'argent pour la formation"
"ah non, on n'a plus d'argent pour le transport"
"ah non ce n'est pas un axe prioritaire de la ville, ce domaine, vous ne voulez pas plutôt faire une formation dans tel autre domaine qui n'a rien à voir ?"
"ah non, on forme déjà les électriciens/puericultrices/cadres/whatever, il n'y a pas vraiment besoin de formation pour ranger des livres"
"Je vois que votre formation concerne le numérique. Je en sais pas ce qu'est la FRBisation, mais on a des formations à excel dans le catalogue si vous voulez ?"

Alors le chef de service retourne dans son service et il ne dit pas oui à l'agent...

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